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Perçage pour pipe postillon


Cor de postillon à trois tours.
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Courber un tuyau de pipe pour lui faire subir une boucle est relativement facile. L'ébonite est un matériau malléable à chaud et un fumeur de pipe débrouillard, muni d'un sèche-cheveux ou d'un bain-marie, peut transformer sa pipe Churchwarden en pipe postillon sans grandes difficultés.

En revanche, la pipe postillon illustrée ci-dessous ne peut être qu'à la portée d'un artisan chevronné. Elle incarne à la fois une difficulté technique majeure et une originalité rare pouvant, comme on le verra, porter à controverse.

 

Pipe en quatre parties. La boucle et la tête sont en bois de bruyère. Le tuyau et l'allonge sont en ébonite.


Principe du perçage courbe.
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La boucle qui est cette fois-ci en bois de bruyère a requis un perçage courbe. Cette technique est au pipier ce que le fusil à tirer dans les coins est à l'armurier. Comment creuser le bois à 180° avec un mèche qui est généralement droite ? Toutes les solutions à ce problème délicat ont un point commun : la mèche tourne dans un guide creux qui possède la courbure voulue.

Dans la pratique cela se présente ainsi :

On distingue le mandrin, le tube qui sert de guide ainsi que le flexible passant à l'intérieur du tube.
Le perçage en trois étapes.

Selon le pays d'où vous venez, on vous expliquera qu'il s'agit d'une invention typiquement italienne, anglaise ou française. Dans ce dernier cas, il est dit qu'un obscur mais néanmoins génial bricoleur, le "père Goirand" à St Claude[1], aurait réalisé (au 19eme siècle ?) en premier une machine à percer courbe sur 360°. Personne n'a vu la machine de son vivant et les héritiers s'obstinent encore aujourd'hui à la soustraire aux yeux de quiconque. D'autres pipiers à St Claude au 20ème siècle ont donc été obligés de réinventer le dispositif. C'est lamentable.


Marque du pipier James Seaman

Le flexible était constitué au départ par un genre de ressort qui avait la fâcheuse habitude de se rompre. Cette partie fut avantageusement remplacée grâce à une collaboration entre le pipier M. Monneret et les métallurgistes de Peugeot (Sochaux France). Voilà qui est exemplaire.

Ces détails devraient vous faire apprécier à sa juste valeur la prouesse de James Seaman (USA), un artisan totalement inconnu, auteur de la pipe qui fait l'objet de l'article. Il a poussé la technique jusque dans un perçage qui sort du plan initial et il laisse grâce à cet écart l'espace nécessaire au montage du tuyau.

En comparant la photo ci-dessus à la première de cet article, on se rend compte d'une particularité troublante : le foyer de la pipe n'est pas attaché à la tige de manière symétrique. La tige étant déportée, son perçage n'est pas centré dans le foyer.

La chose est discutable : une telle disposition risque de perturber le tirage de cette pipe. L'artisan a pris un risque en voulant rester cohérent avec l'architecture générale de sa pipe. Mais est-ce étonnant ? Cet homme semble prêt à n'importe quelle folie dans le but de satisfaire son penchant indéniable pour une originalité bien dissimulée.

Mais laissons le dernier mot de ce billet aux pipiers italiens. Car au pays de la cornetta da postiglione les ambitieux ne manquent pas. A preuve ce document qui provient du Museo della Pipa di Gavirate [2] fondé par Alberto Paronelli. Le document signé du pipier et daté de 1922 montre un dessin annoté d'une pipe postillon époustouflante.

Traduction [3] de la note au bas du croquis ci-contre :

"Pour pouvoir faire un perçage parfait, j'ai besoin des cotes exactes des 2 points marqués avec l' * et de la courbure exacte du rayon de 5 cm".

Projet d'Alberto Paronelli

En observant minutieusement l'esquisse il faut se rendre à l'évidence : la réalisation de cette pipe demande un perçage courbe de un tour et demi !

540° soit 47 cm de grignotage d'un canal à travers cette spire de bois de bruyère, sans compter un léger déport latéral, les chances de finir à l'asile avant d'aboutir au fond du foyer ne sont pas négligeables.

9 mars 2011

[1] D'après G. Guyot dans "Les pipiers français". Hélas, comme souvent dans cet ouvrage, qui manque de précision, aucune date n'est citée.

[2] Il Museo della Pipa : Via del Chiostro 1,Gavirate (provincia di Varese) 744745 .

[3] Merci Gino !

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