Le commerce des pipes n'échappe pas à la religion qui gouverne cette activité à l'échelle planétaire : le marketing. Tous les marchands du monde se sont ralliés au dogme fondateur selon lequel on doit vendre du rêve d'abord, le produit ou le service ne tenant lui même qu'une place de second rang.
Flattez l'affect du client, sollicitez astucieusement son imaginaire et vous lui vendrez même l'inutile.
Le fabricant de pipes allemand Vauen l'a parfaitement compris en vous proposant l'accessoire indispensable pour que vous puissiez prolonger à volonté, chez vous, vos émotions vécues lors de la projection des trois films de la série "Le Seigneur des Anneaux" ("The Lord of The Rings", "Herr der Ringe") ou, encore mieux, lors de la lecture de l'oeuvre de John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973).
Dans ce contexte peu importe la qualité de la pipe, ce qui compte c'est sa ressemblance avec celle que vous avez vue dans les salles obscures. On va vous mettre le pied à l'étrier pour vos divagations oniriques en jetant un pont entre pipe et spectacle.
Vous observerez de quelle manière les images publicitaires fonctionnent très habilement selon ce processus.
Mis à part le parchemin jauni, l'écriture cabalistique, la carte du pays imaginaire, la pipe du fabricant est systématiquement mise en regard d'un personnage du film muni de l'instrument.
La pipe que vous achèterez (environ 200 €) sera sans doute celle qui correspond au personnage auquel vous vous identifiez le plus. Sachant que chacun d'eux incarne plus ou moins une vertu, vous vous achèterez par pipe interposée de l'intelligence, de la sagesse ou de la force selon que vous choisirez Bilbo, Gandalf ou Aragorn. Il semblerait que l'on se reconnaisse moins dans l'opiniatreté du nain Gimli.
La lentille, partie que l'on porte en bouche, est conçue à la manière des antiques pipes en argile. Elle est cylindrique alors qu'aujourd'hui l'embout est aplati pour offrir un port de la pipe confortable et une ergonomie salutaire pour vos mâchoires.
Mais ici votre bouche, vos lèvres, vos dents ne comptent plus. Seuls importent votre voyage dans le monde magique de Tolkien et l'identification à un héros pour acheter encore et encore.
Dans les traces du pipier allemand Vauen, d'autres ont compris qu'il y avait un pont à jeter entre pipes et mondes fantastiques pour activer le tiroir-caisse.
On garde le même principe de marketing et on en remet une couche à grand renfort d'écriture runique[1] et de parchemin brûlé.
La suite de l'histoire : Seigneur des anneaux #2 (Les pipes Auenland).
[1] J. R. R. Tolkien partage avec Jules Vernes le privilège d'avoir utilisé l'alphabet runique dans son oeuvre. Le premier écrit ces textes en anglais alors que le second (Voyage au centre de la Terre) a transposé le latin dans cet alphabet complexe.