Quand la Bruyère devient chair

Après avoir vu comment Anne Julie s'est appropriée les pipes jambe, après avoir parlé de son interprétation très personnelle de ce type de pipes^[1], je vous propose de considérer la manière dont elle les transcende.

Avec ces trois pipes particulièrement représentatives de la production 2007 de l'artiste dans le genre pipes-jambe, on constate qu'elle se libère du classicisme qui marquait encore ses pipes précédentes.

Après les avoir arrondies, grossies, exagérées dans les volumes, elle les déforme, elle les triture maintenant pour faire naître des pipes qui sont au-delà de la simple référence à la jambe au féminin.

Elle se libère de l'anatomie tout en maintenant fortement l'idée que la Bruyère puisse devenir chair.

La question n'est plus de savoir si ces pipes vous iraient, si elles fument bien, si leur prix est convenant : on ne parle pas ainsi d'une sculpture. Ce qui me semble intéressant c'est qu'elles témoignent d'une recherche et d'une capacité à dépasser l'ordinaire.

Iriez vous demander le prix d'un Alberto Giacometti ? Rejèteriez-vous le travail d'Alexander Calder sous prétexte que ses mobiles ne conviendraient pas à la "décoration " de votre intérieur ? Vous n'iriez pas pinailler sur la qualité des matériaux employés par Beuys dans ses installations, n'est ce pas ?

On joue ici dans une autre cour. Il ne s'agit plus de l'usabilité ou de la consommation d'un produit mais simplement de respecter et apprécier l'innovation.